1 Introduction
L’Europe n’a pas achevé sa construction : une pandémie, a ressuscité les vieux réflexes nationalistes.
Par souci sanitaire toute activité a été suspendue, tout échange interdit ; mais les frontières fermées ne protègent ni des virus ni de l’effondrement économique.
N’ajoutons pas au Covid 19, le virus du doute, ferment du populisme, tremplin des démagogues.
L’Union Européenne, îlot démocratique, bâtie sur des valeurs d’égalité et de partage entre les peuples, n’est plus considéré comme un idéal à réaliser, mais un concurrent à détruire dans un monde à nouveau livré à la loi du plus fort.
Les Européens doivent réagir !
Demain (19 juin 2020, NDR) un Conseil européen d’une extrême importance se réunira, non seulement pour réparer les dégâts de la crise mais pour placer l’Europe sur la voie de l’union politique dans la solidarité.
Pourtant rien n’est acquis car le véto d’un seul -si petit soit-il parmi les 27- peut briser cet élan et rejeter l’Union dans l’impasse des égoïsmes nationaux !
Européens, mes chers concitoyens, prenons notre destin en mains, montrons-nous les dignes héritiers des Pères fondateurs : réalisons cette union sans cesse plus étroite entre nos peuples !
Vive l’Union européenne !
2 Les révolutions européennes
Le terme le plus approprié pour parler de l’histoire de la Construction européenne pourrait être le mot Révolution. Concept cher au peuple, souvent emporté par l’illusion de l’éradication du monde d’avant, sur les ruines duquel pourraient fleurir les lendemains qui chantent. Une révolution est toujours un changement radical et peut pousser à la destruction et la violence. Mais si cette mutation permet d’ouvrir une porte vers un nouveau monde, respectueux des autres, sans retour en arrière, alors la construction européenne est bien une Révolution.
L’esprit révolutionnaire, animé par un idéal, est un élan qui permet de s’éjecter d’un système oppressant ou archaïque.
2.1 Première révolution : la Déclaration de Robert Schuman
La Construction européenne ne doit rien à la force brutale. Mais la clairvoyance et la détermination de Jean Monnet ne pouvait rien non plus sans le courage d’un responsable politique capable d’endosser la responsabilité de son projet. Il a trouvé un écho dans le cœur d’un homme, déchiré par la fracture de deux grandes civilisations, Robert Schuman Ministre Français des Affaires étrangères de la France. En effet, 5 ans seulement après les atrocités de la 2° guerre mondiale qui oserait proposer de sortir l’Allemagne de son isolement et de traiter d’égal à égal avec elle ? L’Europe est née de la rencontre de ces deux hommes profondément attachés à leur patrie et accablés par la fatalité infernale des conflits. C’est une révolution silencieuse, réfléchie et humaniste. Le Plan de Jean Monnet fournit à Robert Schuman le socle de sa Déclaration du 9 mai 1950, pierre fondatrice de la construction européenne. En proposant à l’Allemagne vaincue, occupée, de partager d’égal à égal la souveraineté sur un pan essentiel de l’économie d’alors, le Charbon et l’Acier, on instaurait le principe d’égalité entre les citoyens au niveau international entre les États vaincus ou victorieux, petits ou grands, riches ou pauvres dans un esprit d’intérêt commun bien compris. Libérés de la logique de la supériorité de la force militaire ou économique, le 18 avril 1951 la République fédérale d’Allemagne, l’Italie, le Royaume de Belgique, le Royaume des Pays-Bas et le Grand-Duché du Luxembourg répondent avec enthousiasme à la proposition française pour créer la première Communauté européenne, celle du Charbon et de l’Acier, la CECA. Sur ces principes, les Traités de Rome vont édifier les Communautés européennes le 25 mars 1957.
2.2 La deuxième révolution
On peut qualifier la Réunification de l’Allemagne de deuxième révolution de la construction européenne. Révolution pacifique complètement inattendue qui a changé la carte du monde. Le plus grand et puissant empire du monde, l’URSS, Union des Républiques Socialistes Soviétiques rend aux pays de l’Europe centrale et orientale leur liberté, sans menace aucune ni utilisation de la force. C’est un chamboulement géopolitique parce qu’ un nouveau Maître du Kremlin est séduit par la réussite pacifique des Communautés européennes. Mikaël Gorbatchev rêve d’intégrer ce qu’il appelle la Maison Commune. Au même moment un grand Chancelier, Helmut Kohl, répond présent au rendez-vous de l’histoire et rend possible l’impensable : faire accepter la réunification de l’Allemagne par les forces alliées signataires de la capitulation sans conditions du 3ème Reich le 8 mai 1945. Pour franchir ce pas inespéré. Mitterrand veut un gage d’intégration européenne de l’Allemagne : lancer la monnaie unique, l’Euro. Au premier janvier 1999 l’ €uro succède à l'ECU l'Unité de Compte Européenne, créée par le Président français, Valérie Giscard d’Estaing et le Chancelier Helmut Schmidt, et mise en service pour les échanges internationaux depuis 1979. Dès sa mise en circulation l’€ s’impose comme la deuxième devise internationale, témoignage de la puissance économique et commerciale.de l’Union Européenne, créée par le Traité de Maastricht en 1993. Elle se substitue aux Communautés européennes et prépare l’unification du continent
Pourtant cette magistrale avancée économique et politique n’est ni- comprise ni appréciée par une population habituée à sa liberté et ses ‘’acquis’' sociaux. Les Français rejettent en 2005 une Constitution démocratique sociale et ambitieuse pour l’UE. L’abandon de la Constitution pour l’Europe entraine un effacement de la France au profit de l’influence libérale britannique, un affaiblissement du rayonnement de l’UE tant sur le plan économique que politique. L’Union s’oriente vers une Communauté inter-gouvernementale aux prises avec les ambitions nationalistes, bloquant ainsi toute avancée.
2.3 L’UE et la pandémie : la troisieme révolution
C’est alors qu’un petit virus inconnu, le COVID 19, contre toute attente touche les pays développés et choisit l’Europe comme épicentre de la pandémie. L’impréparation de l’Union face à un danger, l’absence de vison commune, d’intégration politique menacent la survie de l’Union. Le Conseil Européen laisse éclater au grand jour les égoïsmes nationaux dans les discussions concernant le budget de l’UE.
3 Éclosion d’une solidarité
« Ce sont les institutions, disait Jean Monnet qui sont le véritable support de la civilisation.». Les institutions européennes ont été bâties sur le principe de l’intérêt général de la première Communauté, la CECA. La dérive inter gouvernementale du Conseil européen et le recours à l’unanimité pour les questions d’importance ont affaibli la Commission européenne. Représentante de l’intérêt général ses propositions dépendent des décisions du Conseil. Européen. Depuis Jacques Delors aucun Président n’a réussi à s’imposer véritablement. L’Euro-zone est menacée par l’absence d’intégration économique. Le doute du bien-fondé de l’Union, le nationalisme éveillent les animosités. Le Virus fera-t-il exploser cette Europe dont la construction n’a jamais été terminée ? On assiste alors à une succession d’événements dont les citoyens n’ont même pas encore évalué l’ampleur.
Le 18 mars pour éviter l’effondrement de la bourse Christine Lagarde, présidente de la Banque Centrale Européenne, annonce le rachat des dettes des États membres et des entreprises à hauteur de 750 milliards d'euros en plus des mesures prises précédemment c’est une enveloppe qui avoisine les 1000 milliards d’€.
Ursula Von Der Leyen , Présidente de la Commission européenne dégage immédiatement tous les fonds à sa disposition pour organiser les services de santé;,les transferts de matériel, et mutualiser les efforts pour les hôpitaux des pays en difficulté. Elle réoriente 140 millions d'euros des fonds prévus du prochain budget en soutien aux hôpitaux et aux entreprises en difficulté., prévoit de dégager à terme 37 milliards d'euros dans le cadre d'un fonds d'investissement et se porte garante de prêts à hauteur de 8 milliards d'euros. Enfin, la Présidente de la Commission européenne annonce le 20 mars, qu'elle accorde une tolérance maximale quant aux critères de convergence économique. L’ensemble de ces mesures annoncées le 10 mars, sont validées le 26 mars par le Conseil et le Parlement? Serait-ce la fin du “I want my money back”instauré par Mme Thatcher
La réaction spectaculaire de la BCE et de la CE ont montré la voie pour empêcher l’effondrement économique et la détresse sociale. On était dans l’urgence. Pour la première fois, on voyait les grandes institutions européennes prendre leur responsabilité d’une façon fédérale sans se laisser prendre de vitesse par les tergiversations des États. Surprises et soulagées d’éviter le chaos, les nations se taisent et le Conseil s’incline. Face à la pandémie, l’Europe réagit dans l’intérêt collectif. Il y a eu grâce à la vivacité de réaction d'Ursula von der Leyen, la décision de Christine Lagarde et la constance de la diplomatie française un tournat décisif.
Mais il faut à présent une action déterminée de l’Eurogroupe pour compléter cet effort. Cet accord a lieu le 10 avril. Il englobe tous les pays de l’UE, membres ou non de la zone euro. Les Ministres des finances des Etats membres présentent un plan de financement pour un montant. 540 milliards disponibles immédiatement. Participent à cette enveloppe : le Mécanisme Européen de Solidarité (sans exigence des règles budgétaires), la Banque Européenne d’Investissement et enfin la Commission Européenne pour l’assurance -chômage, premier pas vers une Europe sociale.
Le 23 avril Le Conseil européen, représentant les États, valide le plan de l’Eurogroupe. Sous l’influence de la France et l’Allemagne, les 27 ministres des finances reconnaissent la nécessité d’un fond de relance, jugé nécessaire et urgent, d’une envergure suffisante consacrée à la gestion de cette crise sans précédent. La Commission européenne est invitée à présenter une proposition à la hauteur de ce défi. Est-ce un don ou un prêt pour les pays demandeurs ? C’est la question que posent avec insistance l’Autriche, les Pays -Bas, le Danemark, et la Suède qui refuseront de payer pour le « laxisme » des pays endettés. Rien n’est gagné.
4 Une offensive d’arrière garde
A un moment où la solidarité européenne semble s’exprimer. C’est l’instant que choisit la Cour constitutionnelle de Karlsruhe, le Bundesverfassungsgericht, pour lancer un ultimatum. Le 5 mai 2020 elle rend un arrêt dans lequel elle estime que la BCE a outrepassé son mandat en adoptant en 2015 un programme d’achats de dettes publiques sous la présidence de Mario Draghi. Même si l’arrêt rendu ne concerne pas directement les mesures de la BCE en 2020, l’intention est de donner un coup d’arrêt aux mesures prises dans le cadre du Covid 19.. Sans justification sous trois mois la Cour brandit la menace que la banque centrale allemande ne participera plus au Programme d'achat de titres publics (PSPP)
Mais ce n’est pas compter sur le calme imperturbable de Christine Lagarde à la tête d’une institution indépendante à caractère fédéral. La BCE définit et met en œuvre la politique monétaire de la zone euro et assure le contrôle du bon fonctionnement bancaire de tous les pays membres de l’UE, garantie de fiabilité unique au monde. Elle a certes des comptes à rendre mais au Parlement européen et des rapports réguliers à rendre au Conseil européen. La Cour constitutionnelle allemande ne peut s’immiscer dans le fonctionnement de la BCE. C’est pourquoi .la Cour de Karlsruhe a brandi la menace d’interdire à la Banque Centrale allemande de participer au programme d'achat de titres publics (PSPP) sans justification sous trois mois de la BCE du bien-fondé de cette opération. La Cour Européenne de Justice, organe suprême intervient immédiatement. L’attitude de la Cour constitutionnelle allemande est en infraction et met en péril le système institutionnel européen. dont seule la Cour européenne de Justice est garante.
5 Le bond vers le futur
Ce que les Juges de Karlsruhe n’avaient pas prévu c’est que cette intrusion inadéquate dans la politique européenne allait faire faire un bond de géant inespéré à l’intégration européenne. Ils ne s’attendaient pas à ce que la Présidente de la Commission européenne, ex-Ministre du gouvernement d’Angela Merkel, n’hésiterait pas à réagir en responsable européenne avec une fermeté à toute épreuve. Le 10 mai Ursula von der Leyen fait savoir qu’elle lancerait une procédure d’infraction contre Berlin rappelant ainsi la primauté du droit européen sur les législations nationales et l’indépendance de la Banque Centrale Européenne.
.Ce rappel à l’ordre permet à Angela Merkel de répondre sans ambages enfin aux espoirs formulés depuis 3 ans par le Président de la République française. Elle sait que la monnaie unique a besoin d’une politique économique et monétaire commune prévue par Jacques Delors. Elle reconnaît que l’UE ne pourra résister indéfiniment aux secousses de l’histoire. La menace d’une dislocation européenne est plausible. N’a-t-elle pas vécu en direct l’écroulement du Mur de Berlin, suivi de l’implosion de l’Empire soviétique ?
Déjà le Président de la République Fédérale Allemande Frank-Walter Steinmeier dans son allocution du 75° anniversaire du 8 mai, jour de la victoire pour nous Français et qu’on appelle outre-Rhin «la Libération du national-socialisme et la fin de la seconde guerre mondiale », fait résonner ces paroles : « Nous devons penser, agir et sentir comme des Européens.»
La foi européenne qui anime le Président français, sûr que le destin et la prospérité de la France s’inscrivent dans l’affirmation de l’Europe, dernier message du Président François Mitterrand avant son départ pour l’éternité, a eu raison de la prudence de la Chancelière allemande. Déjà avant le Conseil européen il avait gagné le cœur de la Chancelière qui avait souscrit à la nécessité d’un emprunt pour la relance européenne.
C’est ainsi que le 24 mai les deux poids lourds de l’Europe proposent pour tous les pays de l’Union un fond de relance de 500 milliards sous forme d’emprunt à long terme effectué par la Commission européenne. La réponse de la Présidente de la Commission européenne prévue mercredi 27 mai est au rendez-vous. Avec audace et détermination Ursula von der Leyen met sur la table 750 Milliards d’€ dont 5OO sous forme de subventions et 250 sous forme de prêt En véritable diplomate Ursula von der Leyen a repris la proposition franco-allemande de 500 milliards d’Euro de fonds d’aide et à ajouter les 250 milliards de prêts proposés par le club des «radins». » Elle a additionné les poires en quelque sorte » au lieu de couper la poire en deux, écrit dans Sauvons l’Europe Matthieu Hornung du Comité européen des Régions
7 Une mutation en marche
Cet épisode n’est pas terminé. La Commission propose, le Conseil européen décidera les 19 et 20 juin. Le Parlement devra se prononcer à son tour en septembre. Or le temps presse et joue contre la reprise si les décisions tardent. C’est pourquoi pour éviter tous les marchandages pour l’établissement du prochain budget qui avait abouti le 26 février à l’acceptation éventuelle de l’ancien budget d’un montant très modeste, la Présidente part de ce principe et l’adosse à son plan financier qui prend désormais le nom de Next Génération EU
L’élan prend de vitesse les hommes lorsque les événements s’emballent. La dynamique de cette évolution que nous vivons, conduit à une forme de fédéralisme financier. La cadence des événements devrait ramener à la raison les petits pays redevables de leur prospérité à leur position douillette au sein de. L’UE.Déjà les Pays -Bas, cèdent à la pression allemande. Comme le rapporte le 2 avril 2020 Jean Quatremer,(Correspondant à Bruxelles): « le Président de la Banque Centrale Néerlandaise, Klaas Knot, grand argentier, qui fait partie des ’’ faucons ’’ de la Banque Centrale Européenne » a expliqué à ses compatriotes qu’ils devaient leur prospérité à l’UE. « Eviter son délitement était de leur intérêt national. »
C’est une véritable Révolution, non pas revendicative et violente pour donner aux uns ce que l’on prend aux autres. Elle fait sortir de sa chrysalide une forme nouvelle d’organisation d’ une société qui répond aux exigences de son temps . C’est un changement d’époque avec son lot de bouleversements. L’Europe en tant qu’entité politique s’affirmera grâce au travail et à la foi d’une équipe aux commandes qui croit en l’Europe et qui a accédé à ces charges par la voie démocratique. Les habitants du vieux continent s’apercevront peut-être qu’ils sont tous européens et heureux de l’être. Qui sait ?
6 Comment réparer les dégâts du coronavirus et projeter l’avenir ?
Nous assistons à un double changement d’époque Il répond à 2 critères : empêcher l’effondrement de l’économie dû à la pandémie et en même temps réorienter l’économique vers le futur Il ne s’agit pas de reconnaissance de dettes à mutualiser mais d’un emprunt par la Commission européenne, garanti par chaque Etat en fonction du revenu national brut (RNB) pour les régions sinistrées et les entreprises en difficulté, à condition de s’inscrire dans une économie verte ou dans des secteurs essentiels à la souveraineté de l’-UE. Pour faire peser le remboursement le moins possible sur les Etats membres, la Commission prévoit l’extension de nouvelles taxes sur les émissions de CO2 aux secteurs maritime et aérien, l’augmentation aux frontières des taxes « carbone », la taxation des activités des plateformes numériques, des transactions financières ; des produits ’importés très bon marché ; un impôt probable européen sur les sociétés est à l’étude. La Commission estime que ses nouvelles ressources permettraient de rembourser l’emprunt et ses intérêts. Dans ce cas, le saut vers une mutualisation de la dette serait accompagné d’une avancée vers une fiscalité européenne inimaginable il y a 2 mois